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LIBERTÉ DE LA BOULANGERIE

de fer, causées par les glaces et les neiges, dont on trace un tableau si peu rassurant, ne se produiront plus dans dix ou quinze ans ? À quoi bon l’espèce d’hommage théorique que l’on rend à la liberté ? À quoi bon l’espérance lointaine qu’on se plaît à lui donner ? Si les arguments qu’on met en avant sont valables, si l’approvisionnement exige la prévoyance municipale, si la taxe est nécessaire, si la Caisse de la boulangerie est indispensable, si le pain doit manquer ou devenir mauvais avec la libre concurrence, si la politique exige enfin que les populations soient convaincues que l’autorité s’occupe d’assurer leur alimentation au plus bas prix possible, ce ne sont pas là des arguments d’une portée temporaire ; il faut promettre au système réglementaire la durée même qui appartient à l’immuable nature des choses.

Ne craignons pas la hausse exagérée des prix, prévenue autant que possible par le nivellement qui s’opère dans la répartition de la denrée et dans le prix qui résulte du libre jeu du commerce, combattue enfin par la libre concurrence des vendeurs. Ne craignons pas davantage l’altération de la qualité du pain. Ce ne sont pas là des dangers réels. Quant à la crainte des sophistications de cette substance alimentaire, ni Londres, ni Bruxelles, ni les autres villes de boulangerie libre ne les justifient. On y mange un pain que les nationaux jugent bon, quoiqu’il ne plaise pas toujours à nos habitudes françaises ; M. Le Play va jusqu’à dire dans son excellent rapport, en général du pain meilleur et plus nourrissant qu’à Paris, où tout est sacrifié à la blancheur. L’exemple de la liberté de la boucherie dont la conséquence, à ce qu’annonçaient hautement ses adversaires, serait d’empoisonner la population par des viandes malsaines, prouve d’ailleurs heureusement qu’une police bien faite suffit à prévenir ces attentats à la santé publique non moins que l’intérêt bien entendu des vendeurs. Si quelques exemples de sophistication