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LA LIBERTÉ DU TRAVAIL ET LA DÉMOCRATIE.

qu’on a vu les réserves de grains se constituer spontanément en Angleterre par le libre concours des cultivateurs, des négociants, des meuniers et des boulangers dans des conditions fort supérieures d’achat, de conservation et de modération de prix à celles qu’ont réalisées chez nous les gouvernements si peu aptes à ces opérations. On a vu la suspension et finalement la chute de l’échelle mobile avoir pour effet, dans les années de disette que nous avons traversées, d’amener un commerce régulier et abondant d’importation. Aujourd’hui que le prix des blés et des farines ne peut plus être modifié par le jeu des tarifs d’entrée ou de sortie, la taxe du pain n’offre plus ni moyen certain d’action à l’administration, ni prétexte à soutenir qu’elle garantit l’intérêt du consommateur : On craint de laisser à l’aventure l’approvisionnement d’une ville telle que Paris. Qu’y a-t-il donc de moins aventureux que les calculs du commerce ? Quel singulier oubli de cette vérité, qu’en matière d’approvisionnement l’expérience a révélé cent fois combien l’intervention de l’autorité entraîne plus d’erreurs et de déficit que la prévoyance intéressée et active des individus ! On ajourne la liberté à laquelle on veut bien réserver l’avenir. C’est beaucoup trop concéder, étant donné le système. Comment se fait-il que des administrateurs, amis aussi décidés des réserves de grains opérées par les villes et de tout l’ensemble des mesures réglementaires relativement à la boulangerie, ne déclarent pas franchement que c’est à tout jamais qu’ils écartent la liberté avec les arguments qu’ils mettent en avant ? est-ce que dans dix ans, avec une nouvelle consolidation de la réglementation, la perspective consolante laissée aux idées des économistes d’avoir pénétré dans la masse entière de la population aura plus de chances qu’aujourd’hui, quand tout au contraire aura conspiré contre ces idées ? Est-ce que ces interruptions de communication sur les fleuves, les canaux, les chemins