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LIBERTÉ DE LA BOULANGERIE

essais qu’a réalisés la meunerie-boulangerie dite usine Scipion ont eux-mêmes obtenu le plus médiocre succès. C’est un fait constaté, ainsi que tant d’autres des plus concluants, dans le remarquable et libéral rapport au Conseil d’État de M. Le Play. N’est-ce pas un spectacle accusateur que celui d’une industrie, et surtout d’une industrie d’une nécessité aussi immédiate, ne trouvant pas en elle-même la force de se développer et à laquelle l’administration entreprend, bon gré, mal gré, de faire faire des progrès ?

On n’a besoin que de considérer l’exemple de villes comme Bruxelles et surtout comme Londres, cité plus immense encore que Paris, et où la boulangerie est parfaitement libre, et où 2,800 boutiques de détaillants opèrent dans des conditions en général beaucoup plus prospères que nos 900 boulangers, aujourd’hui accrus d’un dixième environ, depuis le nouveau régime de liberté. (Il y en avait 1200 avant 1789 !) De même quant aux approvisionnements, aux réserves obligatoires. En voyant des villes de cette importance et d’autres grandes cités européennes résoudre à merveille le problème quotidien de leur alimentation, en se fiant exclusivement à l’activité du commerce, on se demande si Paris a quelque raison particulière de s’imposer un régime exceptionnel, présenté comme provisoire, notons-le en passant, ce qui fait sans doute qu’il dure depuis soixante-dix ans, alors que tant d’établissements, un peu plus importants, qui devaient être éternels, ont duré quinze ou vingt ans. Il est vrai que le système réglementaire de la boulangerie avait pour lui une grande force qui manquait à d’autres institutions : nous voulons dire la peur de la liberté ! Il a fallu, pour changer cette disposition, l’expérience que nous avons faite, et que d’autres peuples ont faite avant nous, de l’innocuité et des bienfaits de la liberté du commerce des grains. On a moins peur que l’approvisionnement vienne à manquer après