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LA LIBERTÉ DU TRAVAIL ET LA DÉMOCRATIE.

Oui, la liberté du commerce tend au bon marché. Mais ne soyons pas dupes des mots, et comprenons bien qu’il s’agit de travail, d’aisance, de bien-être, plus encore que de ce qu’on appelle le bas prix. Le bon marché, lorsque aucune explication ne l’accompagne, est une formule défectueuse. Il faut savoir ce qu’on entend par là. Le bon marché peut exister et une population être très-misérable. Les localités sans industrie, sans débouché, dont la population est peu nombreuse, en fournissent la preuve. Tout ce qui s’y trouve se vend à très-bon marché et l’on y vit mal. Ajoutons que dans les temps de rareté des denrées de nécessité première, le grain y atteint des prix énormes, qui imposent les plus lourds sacrifices aux habitants, et la disette, si ce n’est même la famine, y sévit avec tous ses maux. Aux époques de crise, le bon marché n’est que le signe de la difficulté que trouvent les marchandises à se placer. Le prix avili de la main-d’œuvre est enfin une cause de bon marché que nous ne souhaitons pas à nos populations ouvrières.

De même qu’il y a un mauvais bon marché, nous pensons donc que le renchérissement n’exclut pas le bien-être. Le renchérissement est un fait général chez les peuples les mieux pourvus, ce qui n’est pas non plus sans explication. La cherté peut dépendre de l’une des trois causes suivantes — La première est de tous points fâcheuse ; il faut la combattre énergiquement ; c’est celle qui résulte de l’élévation des frais de production et en général de tout obstacle naturel ou artificiel qui s’interpose coûteusement entre le produit et le consommateur. Les prohibitions et les forts tarifs tiennent une grande place parmi ces obstacles onéreux. La concurrence étrangère contribue pour une forte part, l’expérience l’a partout prouvé, à réduire ces prix de revient, dont on voudrait faire comme la borne immobile de la production nationale. — La seconde cause de l’enchérissement est la dépréciation monétaire. C’est un fait