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LA LIBERTÉ DU COMMERCE ET LES OUVRIERS

lieuses à la main de la Bretagne et des Flandres ! — Que disaient les manufacturiers ? Ils disaient que telle était la condition du progrès. Ils faisaient, i] est vrai, fortune ; mais si cette circonstance leur ôtait, dans la discussion des machines, l’avantage d’un entier désintéressement, ils s’en consolaient sans trop de peine et prenaient leur parti d’un bonheur qui se confondait avec l’intérêt général.

Ne le voyez-vous pas ? le mécanisme supérieur, destiné à supplanter dans tous les pays de l’Europe les vieux engins surannés empruntés à l’arsenal prohibitif, c’est la liberté commerciale ; machine simple et féconde, aussi productive pour le moins que la vapeur, et plus admirable en ce qu’elle tient à l’homme même, à ses droits, à sa responsabilité, à sa force, et qu’elle est une des faces encore trop voilées de la liberté civile !

Il est bien de s’apitoyer sur le sort malheureux des classes ouvrières ; mais il est mieux de les soulager par d’utiles réformes. En les opérant avec une courageuse initiative, le gouvernement a bien mérité du pays[1]. Il est un autre point de vue auquel on se place enfin pour entraîner la démocratie dans des voies anti-libérales.

On alarme le patriotisme si susceptible, si ombrageux des classes ouvrières en leur montrant la France non seulement tributaire de l’étranger, mais livrée sans défense à ses coups si le fer national n’est suffisamment protégé. Puisque c’est, pour ainsi dire, le côté militaire de la démocratie qu’on met en jeu, j’en dirai un mot.

L’écrivain que la science économique invoque encore comme son principal fondateur, Adam Smith, l’un des vulgarisateurs les plus illustres qu’elle puisse citer dans

  1. Il n’est pas de mon sujet de tracer l’historique du traité de commerce avec l’Angleterre, un des actes qui, aux yeux de l’histoire, honoreront le plus le second empire.