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LA LIBERTÉ DU TRAVAIL ET LA DÉMOCRATIE.

Aveugles d’ailleurs ceux qui persistent à ne pas comprendre qu’une industrie n’est protégée qu’en entravant les autres ! C’est un mal qu’on cherche vainement à éviter par un jeu de compensations d’une complication infinie. Il y a toujours des dupes de ces arrangements impossibles, et la dupe principale, disons-le tout de suite, c’est ou c’était chez nous l’agriculture, et par conséquent avec elle l’énorme masse des ouvriers ruraux et des paysans propriétaires, sans parler des ouvriers consommateurs. Il fallait que l’agriculture nationale payât à des prix excessifs le fer, les instruments, les matières premières, tout ce que les tarifs renchérissaient. Voilà une partie du travail national dont il y aurait lieu de tenir compte, puisque l’agriculture embrasse en France environ vingt millions d’individus. Mais sans sortir de l’industrie proprement dite, et pour n’en citer qu’une qui a pris chez nous de très-grands développements constatés par les expositions universelles, qui peut ignorer que les restrictions en matière de filés de coton gênent extrêmement plusieurs industries du premier ordre ? Les filés de coton sont la matière première de cinq ou six industries qui occupent ensemble dix ou quinze fois autant de bras que la filature même. Quant aux restrictions en matière de fers, de tôles, de rails, n’est ce pas l’industrie nationale en masse qu’elles entravent ?

Le régime protecteur alléguait naguère, avant d’avoir reçu un coup mortel du traité de commerce avec l’Angleterre, il allègue même encore par ses organes persistants que la concurrence intérieure est très-suffisante pour garantir les intérêts de la masse de consommateurs. Finissons-en donc avec cet argument qui équivaut à une fin de non-recevoir, et pour cela ne craignons pas de pénétrer quoique rapidement dans la nature intime des industries diverses.

Les industries sont de deux sortes : les unes sont plus