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LA LIBERTÉ DU TRAVAIL ET LA DÉMOCRATIE.

la nation. L’Angleterre alors, pour se procurer cent mille hectolitres de vin, occuperait une masse de capitaux et de bras qui, employés à extraire de la houille, à filer du coton, à fabriquer de la quincaillerie, de l’acier ou du fer brut, lui auraient donné le moyen d’en acheter un million sur les marchés de la France, du Portugal, de l’Espagne, des Canaries ou du Cap. Elle serait donc appauvrie de neuf cent mille hectolitres de vin. Aurait-elle pour cela résolu le problème d’occuper plus de bras ? Non car, s’il est vrai que la culture de la vigne dans des serres eût donné de l’emploi à un grand nombre d’hommes ; il n’est pas moins vrai que le capital absorbé par cette folie viticole eût suffi à occuper ces mêmes hommes dans d’autres industries beaucoup plus naturelles, qui eussent été aussi beaucoup plus raisonnables parce qu’elles auraient été beaucoup plus productives[1]. »

Une autre raison non moins propre à démontrer combien est fausse l’opinion qui attribue au système actuel le mérite d’assurer le travail, de garantir le salaire de l’instabilité, se trouve dans les crises industrielles qui ont périodiquement affligé le travail national depuis une quarantaine d’années. Non que nous accusions le système actuel d’en être l’unique auteur, non qu’il y ait rien qui puisse assurer absolument l’industrie contre les mauvaises chances ; mais comment ne pas voir que le système protecteur a contribué à cette instabilité, bien loin d’y avoir mis obstacle ? D’où sont venus, s’il vous plaît, ces engorgements de produits tant accusés, sinon d’une concurrence intérieure trop surexcitée, par cela même que l’industrie sentait que le marché national lui appartenait sans conteste ? D’où sont venues ces représailles parfois si terribles, sinon du jeu capricieux des tarifs ? À chaque instant la prohibition

  1. Chap. XI, p. 88. Examen du système protecteur, par M. Michel Chevalier.