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LA LIBERTÉ DU COMMERCE ET LES OUVRIERS

l’aisance pour tous ? Est-ce en contrariant les mouvements naturels du capital et du travail qu’on développera ces éléments de l’aisance générale ? Ce qui a été reconnu détestable pour la production deviendra-t-il bon pour la circulation des produits ?

Écoutez pourtant les partisans du système protecteur et prohibitif appliqué à l’industrie nationale, ils vous diront que les classes populaires sont vivement intéressées à son maintien, qu’elles le sont autant et plus que ceux qui passent pour en bénéficier exclusivement. Ouvriers, c’est en votre nom qu’ils défendent ce système. Vous trouvez, à les en croire, un développement de travail dans l’établissement de ce régime. La concurrence intérieure vous offre d’ailleurs de suffisantes garanties, ajoute-t-on, quant au bon marché des produits, et tout changement vous condamne à des crises et à des chômages redoutables.

Les défenseurs du régime protecteur, si contraire en soi à la liberté du travail et de l’échange, se réfugient donc, eux aussi, dans des considérations d’humanité, de philanthropie. Ils se retranchent dans cette thèse plus populaire que ne le serait leur cause par elle-même, à savoir que l’ouvrier débarrassé de la concurrence étrangère, grâce à la prohibition et au jeu énergique de tarifs élevés, a plus d’occupation, et qu’il obtient en échange de sa peine une plus haute paye. Renfermée dans ces limites, l’argumentation protectionniste n’était pas naguère sans produire beaucoup d’effet sur les ouvriers de grands centres manufacturiers. On y ajoutait comme de coutume des appréhensions sur la sortie du numéraire, des considérations sur la balance en commerce en argent, sur les mérites supérieurs de l’exportation comparée à l’importation. Sur ces derniers points qui ne sont pas directement liés à mon sujet, je ne dirai qu’un seul mot. Vendre sans acheter a été longtemps la folle utopie de l’économie publique. Ce n’est guère que