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LA LIBERTÉ DU TRAVAIL ET LA DÉMOCRATIE.

de génie en pure perte. Ils ne voient pas qu’ils poursuivent la pierre philosophale de l’économie politique, le desideratum chimérique d’une proportion absolue entre l’offre et la demande, à chaque moment, pour tous objets ; chose qui ne s’est jamais vue, et qui, j’en suis bien fâché, messieurs les utopistes, ne se verra jamais. L’inégalité des conditions n’a pas de meilleur correctif que la liberté. Aujourd’hui le vent tourne en faveur des propriétaires : c’est en faveur des locataires qu’il tournera demain ; cela se fait rarement sans quelques excès, je le sais, rarement sans quelque dommage momentané pour l’une des parties. Le temps seul se charge de rétablir l’équilibre. La civilisation pourtant abrége ce temps nécessaire par les ressources étendues dont elle dispose. On bâtira sans cesse, on bâtira jusqu’à ce que les bénéfices offerts aux capitaux par l’industrie du bâtiment ne dépassent plus la moyenne des bénéfices des autres industries. Le jour où, à force de bâtir, on aura atteint cette limite, le jour où le besoin que le public éprouve de maisons nouvelles sera comblé, ce jour-là les capitaux prendront d’autres directions ; ce jour-là aussi les loyers auront baissé au moins dans une certaine mesure. Il n’est pas même bien sûr que l’on ne bâtira pas trop, ce qui s’est vu à plusieurs époques. Alors c’est la propriété qui perdrait. Dieu veuille qu’il ne vienne pas un moment où propriétaires et locataires soient frappés par quelque crise générale qui ne les mettrait pas d’accord et renouvellerait les exigences des locataires en sens contraire, crise telle qu’il nous a été malheureusement donné d’en être témoins en mars et en avril 1848 ! Les doctrines que l’on prêche à propos des loyers, les découragements que l’on tend à créer pour les capitaux qui se portent vers la construction sont bien de nature à amener un pareil résultat, et ne sauraient en avoir d’autres. C’est à quoi feraient bien de penser ceux qui les