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LA QUESTION DES LOYERS

pitié en effet ? La liberté est si peu de chose ! La propriété est toujours si bien garantie ! Les locataires ont un si grand intérêt à ce qu’elle soit ébranlée ! Ils ont tant d’avantages à ce que l’État s’arroge aujourd’hui vis-à-vis d’eux un droit de protection qu’il tournerait demain contre eux ; à ce qu’il prenne à l’égard de la propriété des maisons telles licences qui s’étendront par les mêmes motifs à tous les capitaux, à toutes les rentes, à tous les bénéfices réputés exagérés du commerce ! L’État ne fait pas assez chez nous, il faut le charger encore de régler nos loyers, pourquoi pas bientôt de payer nos termes !

Et que penser de ces projets si on les examinait un à un ?

La ville de Paris, nous dit l’un, ferait bâtir par des entrepreneurs avec lesquels elle traiterait à forfait, et elle louerait au public des maisons dont la valeur serait calculée sur le prix de revient augmenté de l’entretien et de l’amortissement.

S’il s’agissait de quelques cités ouvrières, nous aurions à examiner la proposition, mais ce n’est pas à la ville, c’est à des compagnies à s’en charger. Quant à ces maisons bâties en masse par l’autorité municipale, on se demande d’abord quels gens auront le privilège d’habiter ces bienheureuses maisons dans lesquelles on aura pour

    triels ou commerçants, de véritables pots-de-vin ou d’énormes augmentations de loyer, comme s’il s’agissait ici d’une question de bons procédés. Le fait seul de l’acceptation de ces conditions (moralement plus ou moins blâmables) par un locataire attesterait que, somme toute, il a encore avantage à les subir plutôt qu’à s’en aller. Les prétentions trop exorbitantes se condamnent d’ailleurs elles-mêmes ; elles trouvent leur châtiment naturel dans le refus du locataire actuel à garder l’appartement qu’il occupe et du locataire futur à venir prendre sa place. Enfin on pourrait citer aussi nombre d’appartements restés vacants pendant plusieurs termes par suite de ces prétentions exagérées.