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LA LIBERTÉ DU TRAVAIL ET LA DÉMOCRATIE.

jugées par la grande expérience qu’en a faite la révolution française. Un jour la Convention pensa qu’il était en son pouvoir de dompter la loi de l’offre et de la demande, aussi bien que de vaincre l’Europe coalisée. Pratiquant la maxime de Danton, elle eut de l’audace, même contre les principes éternels. Elle osa décréter les prix. Elle soumit à son maximm, non plus seulement les céréales, mais toute espèce de choses. Cette infraction aux principes de la science économique, elle la plaça sous la protection de la guillotine. Le maximum eut ses effets inévitables. Au lieu du bon marché, on eut la cherté croissante. La vérité exige pourtant qu’on reconnaisse que la Convention n’eut ici de l’audace qu’à moitié. Elle avoua que l’entreprise de régler les prix d’une manière complète était au-dessus de sa puissance, et elle adopta pour moyenne les prix de 1790, généralement augmentés d’un tiers destiné a tenir compte au producteur de l’aggravation des circonstances. Vaine concession ! La Convention nationale fut obligée de revenir sur sa mesure, et même, disons-le, elle la condamna en des termes qui, dans une autre bouche, risqueraient de paraître empreints de partialité et de passion. S’adressant au peuple français, dans une proclamation à la fin de 1794 « Les esprits les moins éclairés, disait-elle, savent aujourd’hui que la loi du maximum anéantissait de jour en jour le commerce et l’agriculture : plus cette loi était sévère, plus elle devenait impraticable. L’oppression prenait en vain mille formes, elle rencontrait mille obstacles ; on s’y dérobait sans cesse, ou elle n’arrachait que par des moyens violents et odieux des ressources précaires qu’elle devait bientôt tarir. »

On dit que ces exemples ont produit tout leur effet sur la démocratie, que nulle école ne songe à entraîner la démocratie française dans la voie de pareilles réglementations.

Mille faits s’opposent à un tel degré d’optimisme. La question toute vivante des loyers, dont le taux s’est élevé à