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LA LIBERTÉ DU TRAVAIL ET LA DÉMOCRATIE.

les classes populaires, les plus exposées de toutes, dit-on, aux exactions du capital ?

Pour relever le salaire des ouvriers dans le cas d’insuffisance, divers moyens réglementaires ont été proposés aussi. Quel ami de l’ordre et de la liberté, quel esprit judicieux ne vous dira pourtant tout ce que renferme de désordre et de misère la réglementation des salaires ? Si les salaires sont augmentés sans que le capital se soit accru, sans qu’il ait permis une plus grande production avec le même labeur, les frais de production hausseront. Il faudra vendre plus cher, et la consommation se resserrera. La production suivra forcément le même sort ; de là moins d’ouvriers occupés. Ainsi la réglementation des salaires est et serait, plus on la généraliserait, une déception et un contre-sens. Elle est une déception d’une autre manière encore. Tel manufacturier occupait deux cents ouvriers ; un décret lui enjoint de les payer le double, il n’en occupera plus que cent. Tout au plus, en répartissant autrement son capital, par une hypothèse forcée dans la grande majorité des cas, il pourra aller à cent cinquante. Que faire des cent ou des cinquante qu’il aura congédiés ? L’État leur donnera de l’ouvrage, ainsi qu’il l’a fait en 1848, on sait comment ; il ouvrira des ateliers nationaux. Mais, comme on l’a remarqué et répété plusieurs fois à cette époque, à ces ateliers il faut du capital aussi bien qu’à tous les autres, et force est de le prendre sur les fonds qui allaient à l’industrie privée, soit qu’on recoure à l’impôt, soit qu’on s’adresse à l’emprunt ; alors l’industrie privée, ayant moins de capital, sera forcée de renvoyer des ouvriers. – Lieux communs, direz-vous. – Soit, tenez-en donc compte ! – À un autre point de vue enfin, l’accroissement forcé des salaires n’est-il pas une déception  ? Nous n’examinons pas encore l’hypothèse d’une charité faite à telle ou telle catégorie d’ouvriers sans travail ; nous supposons qu’on étend la mesure à toutes les sortes