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LA LIBERTÉ DU TRAVAIL ET LA DÉMOCRATIE.

fait une chose qui peut être infiniment plus préjudiciable et qui reste d’une appréciation beaucoup plus difficile. Soyez sincères, est-ce que l’achat ne contient pas beaucoup plus d’inconnu que l’emprunt ?

Cela ne confirme-t-il pas ce que j’ai dit qu’il y a là un reste de préjugé contre l’intérêt de l’argent, un état transitoire de l’opinion qui cherche à tâtons des moyens termes entre sa prohibition absolue et son droit égal à celui de tous les autres instruments de travail ? La morale a joué un grand rôle dans les dernières discussions sur les lois usuraires comme dans toutes les discussions précédentes. C’est faire intervenir la morale à tort du moins dans la plupart des cas. Elle n’a le plus souvent rien à voir dans le fait du taux plus ou moins élevé. Parmi les manoeuvres certainement coupables que les usuriers emploient, parmi les faits d’exploitation condamnables, les uns tombent sous la loi pénale ; la liberté de l’intérêt n’y retrancherait rien ; on pourrait même rendre les pénalités plus sévères encore ; les autres y échappent ; qu’y peut la législation de 1807 ? Les lois tolèrent de pires choses que l’usure parce qu’elles ne peuvent empêcher tout mal sans se faire tyranniques, et que la liberté implique l’abus. Que la loi frappe les cas d’exaction immorale ; mais craignez, pour atteindre les abus que vous ne prévenez pas et que votre loi multiplie, d’empêcher une foule de transactions utiles. Dans une récente discussion, on citait des prêts de pièces de 5 francs faits à la journée à la halle de Paris moyennant 25 centimes d’intérêt, ce qui ferait 1800 pour 100 ! La magistrature a voulu poursuivre. On ne l’a pas pu. Les emprunteurs jetaient les hauts cris de se voir enlever cette ressource qui leur permet de gagner 2 ou 3 francs par jour. Quant aux prêteurs, ils mesuraient l’intérêt aux risques : la meilleure preuve, c’est qu’en moyenne ils font peu fortune.

La démocratie a tout intérêt à l’abolition des lois sur le