Page:Baudrillart - La Liberté du travail, l’association et la démocratie.djvu/122

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
105
LA FIXATION LÉGALE DE L’INTÉRÊT

société, si la législation de 1807 ne les empêchait de se former ! Ils y rempliraient en effet un office que les monts-de-piété ne peuvent remplir ; ils le rempliraient à un taux beaucoup moins élevé habituellement que le taux de 9 pour 100 et au delà, auquel prêtent les monts-de-piété, institution philanthropique sous le régime tutélaire de la loi de 1807.

Non, la démocratie n’exige pas que l’on traite à tout propos le prêteur comme un personnage suspect, comme un lion qui cherche une proie, quœrens quem devoret. Ah ! sans doute, lorsque de pauvres gens s’en revenaient à Rome ruinés par la guerre, et que les patriciens, se partageant entre eux les dépouilles de la victoire, ne leur laissaient que la ressource désespérée de l’emprunt usuraire, avec la perspective de l’esclavage pour les insolvables, on s’expliquait cette défiance à l’égard du prêteur ; on comprenait facilement Caton disant que prêter à usure, c’est tuer, assassiner un homme. Caton lui-même faisait payer son argent assez cher pour le savoir. Et pourtant même sur ce mont Aventin qu’on nous cite sans cesse, je soupçonne fort que si quelque jurisconsulte, ami de la réglementation, y eût été envoyé, il aurait bien embarrassé ceux qui se plaignaient de l’usure, en leur déclarant qu’on les exemptait de l’intérêt et qu’on ne leur réclamait que le principal. Ce qui pesait, c’était la dette !

Les législateurs anciens le sentaient bien ils procédaient quelquefois par la mesure radicale des abolitions de dettes et non pas seulement par la réduction des intérêts.

Aujourd’hui quoi de pareil ? Rien n’est plus commun que des emprunteurs qui s’enrichissent et des prêteurs qui se ruinent. Combien d’emprunteurs millionnaires qui se vantent du crédit qu’ils obtiennent et qui éclaboussent en passant leurs prêteurs qui vont à pied !

Est-ce qu’il n’y a pas des ouvriers, de petits employés, de petits commerçants actionnaires ? Que font-ils sinon