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LES LACUNES DE LA LIBERTÉ DU TRAVAIL

Si le gouvernement n’est que juge, il garantit ma liberté ; s’il est tuteur, il la gêne.

« Réussit-il dans cette tutelle dont il se charge ? Ses commissaires administratifs valent-ils, pour ma sécurité, le surcroît d’attention que je donnerais à mes affaires si je me savais livré à moi-même, et la sévérité que déploieraient les tribunaux, s’ils n’étaient rassurés et désarmés par tant de mesures préventives ? Il est permis d’en douter. Le gouvernement prend à sa charge la responsabilité morale de tous les désastres financiers ; et comme il est sans doute honnête, c’est tout ce qu’il gagne à cette intervention intempestive dans les intérêts et les actes des citoyens[1]. » Judicieuses réflexions qui s’appliquent à bien d’autres objets analogues !

C’est un légiste économiste qui écrit de même « Les développements considérables qui ont été donnés à la division des commandites en action, l’engouement du public et la facilité avec laquelle il s’est laissé prendre à l’amorce de promesses fallacieuses et de prospectus mensongers, la fièvre d’agiotage qui a élevé la valeur de certaines actions jusqu’à l’exagération la plus folle pour les laisser tomber à néant, les enrichissements scandaleux, les ruines soudaines, les escroqueries, ont répandu de vives alarmes. Selon l’usage de notre pays, on a accusé la législation d’impuissance, et on l’a interpellée de remédier au mal, tandis que la seule réforme vraie serait celle de l’éducation du public qui ne s’instruit que par l’expérience de sa propre responsabilité. Pour faire cesser les pertes de jeu, ce n’est pas la règle du jeu, c’est l’esprit du joueur qui est à changer. Vous vous jetez sur des actions parce que vous vous êtes laissé étourdir par le fracas des annonces d’un aigrefin, prenez-vous en à votre crédulité. Vous vous jetez sur ces actions sans en vérifier la valeur

  1. La Liberté, t· II, chap. 3.