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LES LACUNES DE LA LIBERTÉ DU TRAVAIL

Je laisse de côté la presse politique quotidienne pour ne parler que de la presse traitant de questions religieuses ou sociales. Pour les journaux, des cautionnements et l’autorisation préalable, pour les livres la nécessité d’atteindre un certain nombre de feuilles ne sont-ce pas là des atteintes portées à la liberté du travail, et d’un travail sacré et utile entre tous, le travail intellectuel ? Je suis forcé de donner à l’expression de ma pensée, dans ce livre ou j’expose des idées que je crois utiles, au moins huit feuilles d’impression ; si ce que j’ai à dire ne devait en occuper que sept, je serais soumis à des conditions trop onéreuses pour qu’elles ne me contraignissent pas à me taire.

On a fait de la profession d’imprimeur, comme de celle de libraire, et sans de meilleures raisons, un privilège. Cette première atteinte à la liberté du travail contre ceux qui en sont exclus en amène une seconde contre ceux qui en profitent. L’administration peut leur ôter leur brevet, c’est-à-dire les ruiner, si le livre qu’ils éditent ou impriment est passible de peines. La censure de l’imprimeur sur le livre remplace et bien souvent avec désavantage, car l’intérêt rend timide, l’ancienne censure officielle. C’est donc une atteinte préventive au libre exercice de la profession d’auteur toutes les servitudes s’enchaînent comme toutes les libertés s’appellent.

Combien de preuves peuvent être invoquées en faveur de cette proposition que nos constitutions sont plus libérales que nos lois, et nos lois plus libérales que nos règlements ! Généralement les premières annoncent la liberté, les secondes semblent souvent ne vouloir que constituer telle ou telle liberté, et les règlements mettent à la place de la liberté et des libertés pompeusement annoncées de très-réelles servitudes.

Voyez la législation sur les établissements réputés insalubres. C’est là un des cas les plus spécieux du régime préventif. On veut préserver la santé, la sécurité publique