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LA LIBERTÉ DU TRAVAIL ET LA DÉMOCRATIE.

thicaires, voilà au fond tout ce qui distingue la nouvelle législation de l’ancienne. Du reste, les pharmaciens sont toujours seuls aptes à « ouvrir officine et laboratoire, à fabriquer, à vendre et débiter aucuns sels, compositions ou préparations entrantes au corps humain, en forme de médicaments, à faire mention de drogues simples pour administrer en forme de médecine. »

On a même renchéri sur les dispositions de l’édit royal de 1777, quant à la minutie tracassière des règlements qui sont ici comme partout la rançon du privilége, et la plupart des pharmaciens appellent eux-mêmes de leurs vœux une réforme qui les remette en possession des immunités dont ils jouissaient dans l’ancien régime. Un projet de loi est tout près, dit-on, d’être soumis aux délibérations du Corps législatif. C’est sous l’inspection presque exclusive des pharmaciens qu’il a été rédigé ; quelque distingués que soient plusieurs des membres qui ont été appelés au comité d’hygiène ou à la commission spéciale, c’est pour le public une médiocre garantie. Si, pour modifier le régime douanier, on consultait surtout les manufacturiers protégés, aucune réforme ne se ferait. Au contraire, on aggraverait les tarifs. La tendance du corps des pharmaciens à se faire passer pour un corps savant offre sans doute de bons côtés, il la justifie même par la science d’un certain nombre de ses membres ; mais il ne faut pas en abuser pour faire payer à des prix reconnus exorbitants d’un accord unanime, aux consommateurs aisés ou pauvres, le luxe d’une science souvent superflue, et à coup sûr on n’est pas bien venu à répudier d’une façon hautaine la qualification d’industrie, quand on fabrique, et le titre de commerçant, quand on vend. La pharmacie est un sacerdoce, disent gravement quelques dignitaires. C’est la prétention de tout privilége qui veut rester sacré et inviolable à la liberté, à la concurrence. Au lieu de reconnaître modestement qu’on vend du fer, de la laine,