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DES FILLES PUBLIQUES

Quoi qu’il en soit, nous voilà cloîtrées, forcées, pour nos besoins ou nos menus-plaisirs, auxquels vraiment nous ne saurions tout de suite renoncer, de prendre les dehors d’une femme honnête. Cela peut sans doute convenir à certaines gens qui veulent de la chasteté à tout prix. Cependant, en sera-t-il de même pour d’autres qui, d’ailleurs fort pudiques, ont les manières tellement affectées, la tournure si légère, qu’on les prendrait… Vous frémissez, messeigneurs ! que sera-ce donc en apprenant qu’une jeune personne innocente, et dont le tort était de ne pas savoir régler sa marche, a été dernièrement victime de la méprise de nos argus, et conduite sous bonne escorte au corps-de-garde de la rue de Lafeuillade. Elle n’y est restée que cinq minutes, il est vrai, mais cinq minutes, n’est-ce pas déjà fort raisonnable quand on se trouve en si digne compagnie ! Ce fait m’a été rapporté par une amie ; je souhaite qu’elle se soit trompée ; mais l’aventure fût-elle fausse, ce qui n’a pas eu lieu pourrait bien arriver, et jugez de l’effet, si pareille chose survenait à une grande dame possédant un nom, des titres, que sais-je ?

Toujours est-il que si notre mauvaise étoile a inspiré monsieur le Préfet de police, et que l’ordonnance ait pour but l’anéantissement complet des filles publiques, je vous supplie d’en calculer toutes les conséquences ; jetez les yeux