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DES NYMPHES

j’avais éprouvé de grands malheurs. Bref, il m’offrit son équipage, et cinquante louis furent le prix de cette ingénieuse équipée. Quelques jours après, je m’avisai de faire la chanteuse voilée ; j’ai la voix assez belle ; j’avais à peine roucoulé trois ou quatre romances près le boulevard Coblentz, qu’un monsieur, qui avait examiné l’élégance de ma taille et la blancheur de mes épaules un peu découvertes à dessein, me glissa un billet dans lequel il me fixait un rendez-vous. Cette bonne fortune me valut plus de deux mille écus ; car, jouant la vertu malheureuse, le provincial me mit dans mes meubles, et paya au centuple des faveurs que je mettais chaque jour au rabais. De ses mains je passai dans celles d’un joueur dont j’eus la folie de m’amouracher : toutes mes richesses passèrent à la roulette, et j’y aurais été jouée moi-même, si mes appas avaient eu cours dans cette maison. Ruinée, et justement punie, je le confesse, de mes indélicates impostures, je fis quelque temps la coquine honteuse ; mais persécutée par le besoin, je me déterminai enfin à me réfugier sous le toit hospitalier des Galeries : là, me disais-je, je ne tromperai plus personne et ne pourrai pas vendre du plaisir à faux poids, puisque je ne me présenterai jamais que pour ce que je suis ; depuis ce temps je trotte j’arpente le Palais, et me félicite chaque jour d’une si sage résolution.

Hortense ayant achevé sa narration, madame