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JOLIS PÉCHÉS

chement, et des esprits plus pénétrants auraient bientôt deviné qu’un nouveau Faublas s’était conduit avec moi comme avec la petite Mésange.

Le soir j’allais mélancoliquement dans notre jardin, lorsqu’une orange dans laquelle était placé un petit billet d’Édouard, tomba à mes pieds ; il me suppliait de lui accorder une seconde nuit autant pour l’intérêt de son amour, disait-il, que pour mon bonheur à venir. Cette nuit il fut convenu qu’Édouard m’enlèverait : c’était un commis de la guerre : il m’engagea d’ailleurs à emporter mes effets et ce que j’avais de plus précieux, et finit par me promettre mariage. Ici croiriez-vous, mesdames, que je fis des façons, que j’eus des scrupules :

— Comment, lui dis-je, M. Édouard, y songez-vous ?… Vous voulez être mon mari, mon amant, obtenir le don de mon cœur et de ma main, et nous nous connaissons à peine !…

Édouard ne pouvait retenir ses éclats de rire sur mon ignorance comique ; que voulez-vous, mes théories n’allaient pas plus loin, je voyais du mal à faire de mon amant mon époux, car ma mère n’avait jamais prononcé devant moi le mot de mariage qu’avec une sorte d’effroi, et je n’avais cru commettre aucune faute en livrant tous les trésors de ma personne. Expliquez-vous à vous-mêmes, si vous pouvez, ce comique raisonnement de ma grosse innocence. Bref, je quittai le toit paternel pour aller rue de Malte, me ni-