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JOLIS PÉCHÉS

étais à ce degré de cette heureuse journée, quand la nuit venant à tomber, et la foule à s’épaissir davantage, un beau jeune homme très bien mis me serra la main, et trouva même le moyen de me la baiser avec une ardeur indicible. Je n’entreprendrai pas de vous peindre le ravage que ce baiser fit dans tous mes esprits, j’étais hors de moi, et loin de me fâcher et de retirer ma main, j’appelai, je provoquai en quelque sorte de nouvelles entreprises, pour pouvoir démêler ce qui se passait dans mes sentiments. Dès ce moment délicieux, plus de mât de cocagne, plus de pierrot des Funambules, je ne voyais que le bel inconnu qui, lui-même, toujours autour de moi, me dérobait à chaque instant de nouvelles faveurs. Il avait été déjà fort loin, et je ne sais si les clartés que répandaient les fusées volantes ne l’eussent arrêté, jusqu’où il aurait pu aller derrière mon oncle et ma mère, tant j’étais docile à ses désirs. Nous rentrâmes au logis par le quai des Tournelles ; mon nouvel amant, loin de m’abandonner, se glissa sous la remise, au moment où le portier nous ouvrit la porte cochère, en ayant soin de me faire apercevoir son dessein. Heureusement que mes fenêtres donnaient sur la cour, et que le toit de la remise y touchait presque, ce qui permit à Édouard, c’était son nom, de pénétrer jusqu’à ma chambre.

Quand il y fut, d’abord il se précipita à mes