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JOLIS PÉCHÉS

bitué à faire fort maigre chair, et à ne vivre que des langueurs chimériques de ses héroïnes de roman. Je répondis donc à ses timides œillades, ou plutôt je fis toutes les avances, pour prendre aussitôt le roman par la queue ; j’avais encore une vingtaine de louis des débris de ma grandeur passée, c’était une grosse somme pour un auteur aussi sec que le mien. Enfin, arrivés tous deux rue de la Huchette, j’y montai au septième au-dessus de l’entre-sol, et un lit fort étroit, même pour une personne, reçut les deux nouveaux époux. Césure, c’est ainsi que se nommait mon poète, avait de l’esprit, de la facilité, mais on sait combien cette denrée est ingrate à Paris, où la plupart du temps les sots et les fripons seuls prospèrent. Fort habile à faire un manuscrit, c’était le diable pour le placer : les libraires aussi bons vendeurs que mauvais juges, le trouvaient tantôt trop sérieux, tantôt trop prolixe.

— Tiens, prends la plume, dis-je à Césure, un soir qu’il revenait de faire des démarches inutiles ; nos vingt louis seront bientôt épuisés, il nous faut de l’argent, et je suis sûre d’en trouver avec l’idée qui me vient à l’esprit. En effet, je me mis à dicter à mon cher Césure le roman le plus comique qui soit sorti du cerveau d’une femme. À mes propres aventures je joignis mille plaisantes imaginations ; tantôt voluptueuse, tantôt distinguée, élevée même dans mon style, ou triviale selon l’occasion, je m’efforçais de