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JOLIS PÉCHÉS DES NYMPHES

loir donner mes prémices à cet aigrefin, je m’en moquai avec un bel officier de dragons qui, depuis quelques semaines, faisait caracoler son cheval sous mes fenêtres ; c’était Mars même sous un casque français ; mon père venant donc à me persécuter très chaudement pour épouser sa momie d’écrivain, je filai sans tambour ni trompette, un soir avec mon beau militaire qui m’emmena à Saint-Germain où son régiment allait tenir garnison. Mon père mourut de chagrin de ma fuite, ce qui me fit hériter d’une trentaine de mille francs que nous mangeâmes très joyeusement, moi et mon cher Saint-Évremont. L’argent dissipé, vous croyez que je vais me lamenter, larmoyer, faire des élégies ?… Pas du tout ; insensible à l’infidélité, à l’abandon de Saint-Évremont, qui ne reparut plus chez moi, car voilà comme sont tous ces hommes ! je partis pour Paris dans un honnête pot-de-chambre ; j’y trouvai un pauvre romancier qui n’était pas sans esprit, mais tout à fait sans argent ; ce qui arrive souvent aux hommes de génie.

Il me plut au premier abord, malgré ses habits râpés et son front à hémistiches : je lui plus aussi ; mes gros attraits rebondis, mes joues colorées comme une sauce tomate, mes yeux brillants, et une paire de… fermes comme de l’ivoire, tout cela ne pouvait pas manquer d’être fort appétissant pour un pauvre diable d’auteur ha-