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DES NYMPHES

bien jouer le rôle et les airs d’une bourgeoise de bon ton, et même d’une femme de qualité ; je répondis que, puisque j’avais fait la sauvage, je pourrais, à plus forte raison, jouer la bégueule. On m’admit donc, et après quelques épreuves difficiles, dans lesquelles je fis un rusé négociant, me trouvant d’une bonne force d’amateur, je fus reçue enfin au grand salon de compagnie. Là, je ne traitais qu’avec le colonel ou le magistrat, le comte ou le baron. Je savais élever mes manières au degré de ma position, et personne, mieux que moi, n’a soutiré une bague en brillants des mains d’un amant. Mes affaires allaient donc à ravir ; mais malheureusement pour moi, j’eus la bêtise de m’amouracher d’un auteur qui mangea mes économies, en attendant le succès équivoque de ses pièces ; la galerie me tendait encore les bras, je m’y jetai à corps perdu, comme dans le sein d’une mère. Depuis, vous le voyez, je me promène en folichonnant vis-à-vis la rotonde, en mystifiant les sots, en accueillant les jolis garçons, et en faisant : Je t’en ratisse, aux vieux qui n’auront jamais l’honneur de tâter de ma personne. D’ailleurs, honnête coquine, j’ai le cœur sur la main et demande humblement pardon de mes fautes de jeunesse.

Le ton semi-sérieux, semi-badin de Frasca plut beaucoup, et on l’assura qu’on la traiterait avec indulgence dans le jugement définitif.