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DES NYMPHES

l’hôtel un payeur principal de corps d’armée avec sa maîtresse ou sa femme, notre hôte nous demanda si nous voulions manger cette fois-là avec eux, vu la quantité de monde qu’il y avait dans la maison ; n’y trouvant pas d’inconvénient, nous acceptons : la curiosité me portait, d’un autre côté, à savoir si le payeur avait bon goût. Mon attente fut trompée, car Éléonore, c’était bien le nom de madame la trésorière, se fit excuser, et mangea seule dans sa chambre à cause de sa lassitude de voyage. Quant au payeur, c’était un joli homme et de beaucoup d’esprit. Le repas fut très gai. Saint-Firmin ne manquait pas d’imagination, et on prouva de part et d’autre qu’on savait faire avec grâce et finesse les frais d’une conversation avec un aimable étranger. Pour moi, je jouai une honnête retenue sans bégueulerie, j’eus soin surtout de ne pas parler à tout bout de champ de ma femme de chambre, et de la fourrer dans tout, comme la plupart de mes camarades qui voyagent, ne voulant pas que ce payeur reconnût de suite une véritable farceuse en moi. J’affectai même de ne pas entendre ses coups d’œil et ses pressions de genoux, comme scandalisée d’une témérité qui blessait mon honneur. Enfin, nous nous séparons, et chacun se retire dans son appartement ; les nôtres étaient absolument porte à porte, rappelez-vous-en bien, mesdames, pour l’intelligence de l’histoire. La table resta à moitié