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DES NYMPHES

première fois que j’y fus, mon bon diable y répétait le rôle de la Discorde dans le Jugement de Paris : quel heureux moment pour tâcher de me mettre en bonne intelligence avec lui !… À l’instant donc où il plante la pomme fatale entre les trois déesses rivales, et se dérobe après dans les coulisses, je me mis exprès sur son passage, de manière à ce qu’il fut obligé de remarquer mes regards significatifs. On pense bien qu’il ne tarda pas à me comprendre : nous vécûmes quelque temps ensemble dans la plus douce intimité ; il m’avait même fait recevoir au théâtre comme habilleuse ; mais un soir n’ayant pas voulu faciliter l’accès de la loge d’une actrice à certain personnage, à cause des défenses expresses à cet égard, la vengeance me fit perdre ma place et à la fois mon aimable Lucifer. Loin de me relever, je tombai au contraire de Charybde en Scylla, car la misère me contraignit d’entrer dans une troupe de comédiens ambulants, en qualité de bouche-trou ; personne n’était moins propre que moi à cet emploi, car jusqu’alors j’avais eu un destin tout contraire ; le reste de mon roman a peu d’intérêt ; j’entrai enfin au Palais-Royal, où l’éclat et la beauté de ma denture me fit surnommer Aglaé Belles Dents.

On attendait avec impatience le discours de la brillante Clémentine qui parut au milieu des applaudissements.