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JOLIS PÉCHÉS

le moucheur de chandelles de l’Ambigu, qui avait passé quelques nuits dans ma chambre, et cela à la vérité extrêmement près de mon lit, voulut me tirer du précipice, en m’assurant qu’il me ferait entrer, par certaine protection, dans les Funambules, en qualité de voltigeuse de 3e classe ; je ne lui dissimulai pourtant pas combien j’étais peu faite pour cet exercice, et que je ne savais faire que la culbute, art dans lequel il faut avouer que j’excellai dans mon enfance, lorsque j’étais sur un pré ; il n’en tint compte, et enfin me voilà admise sur la corde : au moyen du balancier, je commençai donc à y montrer quelque adresse ; on me flattait même de l’espoir ambitieux d’entrer au café d’Apollon, quand une chute, dont la guérison dura précisément neuf mois, me força d’aller cacher ma faiblesse à l’hospice de la Maternité : si j’y devins mère, bientôt je redevins fille ; mais avant d’arriver à ce titre, il me fallut essuyer encore bien des tribulations. Les planches, je l’avoue, m’attiraient singulièrement. Une fois j’avais eu un billet de paradis du grand Opéra ; on donnait Psyché, et le chef des diables m’avait tout à fait tourné la tête ; sa belle taille d’athlète, ses superbes formes musculeuses donnaient les plus heureux augures : avec ce joli diable, me disais-je, nous ferions ensemble un petit ménage d’ange. Me voilà de nouveau me glissant dans les coulisses de l’Académie royale de musique ; justement la