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JOLIS PÉCHÉS DES NYMPHES

mour que mon ravisseur m’avait prodigués étaient sincères ; hélas ! je connaissais bien peu les hommes alors !… Le perfide, après m’avoir conduite à Paris, près le théâtre de l’Ambigu-Comique, me planta là, non sans m’avoir mangé mes plus beaux bijoux et mis en gage chez ma tante mes meilleurs effets. Délaissée sur un lit de sangle dans une mauvaise mansarde lézardée de toutes parts, cela, au milieu de l’hiver, vous pouvez juger à quel péril était exposée ma chancelante vertu. La faim venait encore y ajouter son cruel aiguillon, et j’allais enfin, harcelée par le malheur, livrer mes adolescents attraits au coin de la rue, lorsqu’un coryphée de l’Ambigu, voisin de ma mansarde, me témoigna un généreux intérêt et me facilita un plein accès dans les coulisses : là, au moins, me disais-je, mon honneur sera en sûreté, et pour quelques petits battements ou temps de cuisse de simple figurante, j’aurai du pain assuré. Combien nos espérances sont souvent cruellement déçues ! Borée Cadet, c’était le nom de mon jeune protecteur, finit par me tromper indignement : après avoir subtilisé mes faméliques faveurs, le traître me déroba même jusqu’à mes chaussons de danse, le carquois de carton doré, ainsi que l’arc qui me servait merveilleusement dans un rôle de Nymphe de la cour de Diane. J’allais dans ma douleur remettre ma personne à la disposition de la première entremetteuse, lorsque