Page:Baudoin - Jolis péchés des nymphes du Palais-Royal, 1882.djvu/58

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
52
JOLIS PÉCHÉS

qu’il surnommait, dans un style oriental, son Baume des yeux ; c’était le couple le plus beau de la nature. Une nuit que j’avais porté mes regards indiscrets dans leur appartement, quel fut mon étonnement, en le voyant disposé comme une espèce de théâtre ; des gazes vertes argentées faisaient la mer, un meuble surmonté de carton peint offrait un rocher sur lequel était disposé une cabane composée de quelques petits accessoires et d’un paravent ; un de mes quinquets de cheminée, suspendu sur une partie du rocher factice, présentait un fanal aux matelots, et mademoiselle du Délire, un flambeau à la main, demi nue sous une mousseline diaphane, les cheveux épars sur son beau sein, remplissait le rôle de la tendre Héro, tandis que mon cher et voluptueux comte se chargeait de celui de l’amoureux Léandre, à moitié nu, et seulement habillé d’un élégant tricot de soie, couleur de rose ; notre nouveau Léandre fendait les flots artificiels, gravissait les rochers de carton. Arrivé, à force de nager, à la cime du rocher postiche, Héro essuyait ses beaux cheveux, sa tête, ses épaules humides de l’onde amère, elle versait des parfums sur son beau corps ; le couple se plaignait mutuellement de leurs ennemis, et enfin l’amour, avide de jouir du prix de tant de périls et d’obstacles vaincus, les enlaçait des guirlandes du plaisir. Léandre, saturé de bonheur, se replongeait de nouveau dans cette mer