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DES NYMPHES

très belles sans doute, mais un peu trop ampoulées, un peu trop étrangères à son sujet. Qu’avait de commun, par exemple, la catastrophe indécente d’Abeilard avec sa situation présente ?

Toute l’assemblée applaudit à ces observations, en réfléchissant tout bas qu’Adeline était probablement folle et perdait tout à fait la boule, soit dit en passant en termes vulgaires.

— Sortie de ce cruel pensionnat, continua la sentimentale Adeline, je rejoignis mon amant, après avoir fait quelque argent de la valeur de mes robes, de mon linge et de mes bijoux ; mon cher Auguste s’était engagé de désespoir dans un régiment de hussards ; aussitôt je m’habille en homme, et prends parti dans la même compagnie. Je fais deux campagnes, sabre les ennemis de la France, et sauve deux fois la vie à l’objet de mon amour… Hélas ! je ne l’en perdis pas moins ; un duel affreux, un duel de jalousie me l’enleva ; le maréchal-des-logis avait soupçonné, avait découvert mon sexe ; longtemps je parus inconsolable ; la nouvelle passion de ce maréchal-des-logis m’était importune, enfin j’y cédai de lassitude : ce sous-officier ayant péri dans une affaire, je devins la maîtresse du sous-lieutenant, et, de grade en grade, j’arrivai dans les bras du colonel…

On ne put s’empêcher d’éclater de rire ici de la banalité d’Adeline qui, tout en voulant jouer le sentiment, ne faisait que raconter l’histoire