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JOLIS PÉCHÉS

causa les plus vives inquiétudes ; aussi mademoiselle de la chambre s’empressa-t-elle de faire revenir la mélancolique chanteuse avec un verre de punch au vin de la Comète. Cette manière de débuter par un trait musical ne laissa pas de plaire, par sa nouveauté, au cercle des ribaudes.

— Oui, dit Adeline, laissant là sa guitare, la délicatesse nerveuse et passionnée de mon tempérament, mon goût effréné pour la musique, et tout ce qui se revêtait des formes du sentiment, a causé tous mes malheurs ; la lecture de Delphine, de Corinne, de Coulardeau, a achevé la perte de ma raison ; dès l’âge de quatorze ans je ne pouvais entrevoir la corne d’un chapeau sans avoir des spasmes, tant l’odeur de l’homme faisait des impressions vives sur mes sens et mes passions prématurées. On eut beau m’enfermer dans un rigoureux pensionnat, mon amant était toujours présent devant mes yeux ; avec la brûlante Héloïse, je m’écriais sans cesse :

Soit que ton Adeline aux pleurs abandonnée,
Sur la tombe des morts gémisse prosternée ;
Soit qu’aux pieds des autels, elle implore son Dieu,
Les autels, les tombeaux, la majesté du lieu,
Rien ne peut la distraire.......

Eulalie, le secrétaire-rédacteur, pria à cet endroit Adeline-Nina de prendre un ton moins langoureux, et surtout d’éviter ces citations,