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JOLIS PÉCHÉS

mon sexagénaire qu’une tâche laborieuse, fatigante, durant laquelle je pouvais bien lire cinq à six chapitres de roman, ou tirer des noyaux de cerises au plancher…

Lisette, ma femme de chambre, vraie soubrette de comédie, m’aida merveilleusement à m’indemniser avec un joli cavalier des dégoûts de mes cruels devoirs ; tantôt nous cachions notre jeune premier dans l’alcôve, tantôt dans l’armoire où je plaçais mes robes : il me vint une fois la folle idée de me le faire apporter par des gens dans un vaste sultan de satin rose, garni de fleurs ; blotti dans cet étui de soie dont les flancs étaient très amples, il se trouvait entièrement caché sous les garnitures bouffantes d’une robe de bal : sire Abraham applaudissait lui-même à mon bon goût, car pour la dépense il n’épargnait rien, vantait le travail de ces sultans qui sont devenus de galantes corbeilles de noces, et lui-même fit transporter par les valets, dans mon boudoir, ce grand meuble élégant qui contenait le plus aimable des fripons. Vous jugez quels étaient nos éclats de rire, nos délices, lorsque, nous dérobant à tous les regards, seuls dans le boudoir, je faisais sortir mon amant de sa prison de fleurs et de soie !… Le plaisir, on le sait, est centuplé par les obstacles ; un matin que nous étions à rire à gorge déployée aux dépens de notre vieille dupe, je l’entends qui frappe à la porte du boudoir, et, un filet de