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JOLIS PÉCHÉS DES NYMPHES

Félicia, après s’être également inclinée, confessa les erreurs polissonnes de sa plus tendre enfance, puis sa jeunesse ; après avoir fait une énumération prodigieuse de tous ses amants, qu’elle compta au moyen de son collier de petites perles à trois rangs, ce qui faisait à peu près sept à huit cents perles, et conséquemment autant d’amants, elle raconta en ces termes une espièglerie des plus ingénieuses qui lui était venue à l’esprit, lorsqu’elle était entretenue, rue du Mont-Blanc, par le sire Abraham, vieux juif de profession. Laissons-la donc parler elle-même ici.

— J’étais, dit-elle, au sein du luxe et du faste, rien ne manquait à ma félicité, l’or pleuvait des mains de mon juif, et j’étais devenue l’objet de l’envie et de la jalousie des femmes les plus huppées de la Chaussée-d’Antin ; équipages brillants, table exquise, meubles somptueux, maison de campagne, tous mes caprices les plus coûteux satisfaits à la minute ; rien ne manquait à mon bonheur, si ce n’est un homme selon mon cœur et mes passions favorites, car sire Abraham, dans son état de caducité, ne pouvait être cet homme-là. Quel supplice, par exemple, que celui de ses caresses ! et surtout quelle patience ! le chemin de Cythère était toujours semé pour lui d’obstacles invincibles ; et ce trajet charmant, qu’on fait sur les ailes du plaisir en quelques minutes, cette course si rapide, dans laquelle on s’approche de l’empire des dieux, n’était pour