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JOLIS PÉCHÉS

tances dans lesquelles j’accordais mes premières faveurs ; elles sont tout à fait triviales et burlesques, et l’Enfant du carnaval fut fait dans un plat d’épinards, le mien prit naissance dans un pâté d’oies de Strasbourg.

Ma mère m’épiant chaque jour davantage, il nous fallait prendre de grandes précautions pour satisfaire les élans de notre amour mutuel ; enfin ma mère étant allée à complies, mon père faisant sa sieste dans un berceau du jardin, nous gagnâmes à prix d’argent le silence des domestiques, et, à la faveur des ombres de la nuit, nous nous glissâmes dans la salle de l’office. L’ardeur de Saint-Ange ne lui permettant pas de distinguer les objets, il me jeta sur une table : son amour fut heureux ; mais quelle fut ma surprise et ma honte, quand, au cercle du soir, une de mes amies me détacha une tête d’oie, une autre de perdrix, de la farce et quelques pieds d’alouettes qui s’étaient collées à mes jupes ; je compris de suite le motif, et ma vive rougeur n’apprit que trop aux femmes du cercle que l’amour seul pouvait avoir part à cette aventure bizarre.

Bientôt l’histoire courut dans la ville, brodée, commentée et augmentée de variantes ; il n’était question que de mes jupes et de mon derrière à la tête d’oie : vous sentez bien que, pour ma réputation, je ne pouvais rester longtemps dans cette situation humiliante. Saint-Ange, égale-