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JOLIS PÉCHÉS DES NYMPHES

deur glaciale, j’ignorais en vérité de quel sexe j’étais ; mes sentiments étaient comme enveloppés d’un voile épais, et enfin je n’étais femme que par mes habits, ce qui me fit d’abord appeler la belle Statue dans toutes les sociétés de Caen, ensuite la Galatée de marbre, par le premier amant qui sut animer mon être insensible d’une nouvelle vie : que Saint-Ange était beau ! c’était le nom de mon aimable Pygmalion ; il avait une voix charmante, des joues de rose, de superbes favoris noirs qui tranchaient si bien avec la blancheur de son teint, l’oreille admirable, la taille haute et bien prise, et une cuisse filée amoroso son sourire… oh ! que son sourire était fripon et gueux ! le bel Elleviou en eût été jaloux : ses yeux noirs en amandes et en coulisses traînantes semaient des grains de volupté dans tous les lieux, et le cœur palpitait soudain quand il vous approchait, car ses belles mains blanches, d’ailleurs fort entreprenantes, étaient les adroites messagères de ses désirs. Bref, reprit Galatée, tout dans Saint-Ange portait le délire dans les sens, et il était impossible de le voir sans l’adorer ; il fit donc dans toute ma personne une révolution subite : le feu y succéda à la glace, le marbre s’anima, mon sein, jusqu’alors muet, se souleva délicieusement, et enfin mon Pygmalion devint mon époux aux autels de la nature. Comme je dois ici un entier hommage à la vérité, je ne célerai pas les comiques circons-