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JOLIS PÉCHÉS DES NYMPHES

champ commode où je me plus à semer les affronts et les outrages. Je vais cependant vous raconter un trait dans lequel je n’ai pas brillé, mais qui n’en est pas moins piquant.

Un jour que mon pointu d’époux partit pour la campagne, ou du moins le feignit, je reçus ses tendres adieux dans ma salle de bains, et vous pouvez bien imaginer, mes bonnes amies, que je n’épargnai pas les grimaces pour lui faire croire tout le chagrin que j’allais ressentir de son absence ; mais à peine eut-il les talons tournés que, sortant de ma baignoire demi nue, j’allais d’un pied furtif et le cœur palpitant de joie, ouvrir l’étui de ma harpe, dans lequel un beau lycéen, frais comme un chérubin, était blotti. Lui servant de femme de chambre, je le dépouillai aussitôt de ses vêtements qui me dérobaient les grâces et les voluptés de sa personne, et le parfumant moi-même de maintes essences odoriférantes, je l’aidai à entrer dans une baignoire jumelle et toute voisine de la mienne : dans cette situation délicieuse, j’avoue que je jouissais du plaisir des dieux, et voulant économiser mes richesses de toute la journée, je me bornai à quelques baisers de feu auxquels je me gardai bien encore de donner toute leur chaleur, ne cherchant qu’à temporiser ma félicité. Adolphe avait les plus belles dents du monde, figurez-vous trente-deux perles enchâssées dans du corail. Non, il n’est pas possible de presser sur