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JOLIS PÉCHÉS

déjà passablement dans cette langue ; c’était surtout sur l’article que Belgrade me trouvait très forte. Quant aux pronoms, je les épelais aussi assez bien ; je, te, tu, toi, me faisait souvent répéter mon bel ami ; à son tour, il me balbutiait d’un œil amoureux ces autres pronoms si délicats : tu, me, tu, toi. C’était surtout dans ces parties du discours où tout doit s’accorder en genre, en nombre et en cas, que nous formions une liaison d’expressions, de gestes et de sentiments tout à fait intimes. Quant au conducteur, quelques pièces de monnaie avaient acheté son silence, et pour la lingère, je l’avais entièrement oubliée au sein de mes délicieuses échappées.

Ce bonheur, comme tous ceux de ce monde, devait être de courte durée : mon beau Belgrade partit pour la Pologne, non pas en ingrat : il me laissa une cinquantaine de louis, en me promettant de m’écrire ; mais, depuis cette cruelle séparation, je ne le revis plus.

L’argent mangé, maudite et reniée par ma famille, il me fallut utiliser, au profit de mon appétit très violent, des attraits que jusqu’alors j’avais exclusivement destinés au plaisir. Une femme intelligente et complaisante, logée sur mon carré, m’assura qu’avec mes avantages et ma jeunesse, elle se faisait fort, avec un secret merveilleux, de me donner une virginité invulnérable, d’au moins six mois. Je me confiai donc à ses soins scandaleux, et trafiquant partout de