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JOLIS PÉCHÉS

Madrid, près le théâtre del Principe : ma figure ne pouvait manquer d’y faire une vive sensation ; les Français étaient déjà maîtres de la capitale : que d’offrandes commencèrent alors à pleuvoir sur mes autels !… Le général, l’intendant, le commissaire étaient pour moi de généreux tributaires qui me traitaient en véritable Danaé. Enfin, un garde-magasin fort riche m’ayant offert sa main et sa fortune, je jugeai devoir mettre, pour mes intérêts mêmes, un terme à ma scandaleuse banalité. Nous vécûmes longtemps dans le luxe. Hélas ! que les prospérités sont passagères ! La retraite de Witoria nous réduisit au désespoir, en faisant notre ruine ; mon entreteneur y périt de la main d’un Anglais, et moi, destinée sans cesse à des noces fréquentes, je contractai un nouvel engagement avec un payeur de l’armée. Arrivée à Paris, ma vie ne fut longtemps qu’une chaîne non interrompue de plaisirs ; j’étais heureuse avec ce payeur, mon cher Saint-Hilaire, non pas de ses seules et uniques caresses, car, il faut toujours vous dire la vérité dans mes confessions, son commis et son valet de chambre étaient très bien tournés, et j’eus la faiblesse de lui donner des rivaux dans ses valets… Que voulez-vous, la chair est si fragile Contre les raisonnements de l’orgueil et des convenances ! Bref, Saint-Hilaire me planta là, m’ayant surprise un matin à peu près nue dans les bras d’un capitaine de la Garde que lui-même