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DES NYMPHES

d’ébène, mes dents d’émail, et enfin j’entendais dire de tous côtés que j’étais digne d’entrer dans une couche royale. La vanité, si funeste à l’honneur de notre sexe, détruisit donc insensiblement mes bonnes inclinations : fille unique, et conséquemment véritable enfant gâtée, l’indulgence excessive de ma mère laissa croître mes dispositions vicieuses ; bref, la toilette, la coquetterie, les amants, les cajoleries, la parure, et surtout les beaux hommes, étaient le cercle dans lequel je tournais comme sous les influences d’un astre favori ; ma virginité avait sauté le pas sur les ailes du plaisir, et à quelques épines près, je n’avais jamais respiré de fleur plus suave : ce fut un beau capitaine de hussards du régiment de Talavera qui fit éclater dans mon cœur les premières étincelles de l’amour ; il est vrai que si ses traits charmants, sa taille superbe faisaient naître aussitôt dans les sens le plus rapide incendie, personne n’avait plus de ressources et de moyens que lui pour l’éteindre ; la guerre des Français m’en sépara. Je ne vous fatiguerai pas, mes bonnes amies, des langueurs de mon chagrin sur sa perte ; je n’entreprendrai pas non plus de faire la longue énumération des ducs et des marquis qui le remplacèrent dans mes affections ; cette liste serait trop vaste ; je courrai de suite dans mon récit à ce moment où, ayant perdu ma mère et étant devenue absolument libre, je me déterminai, à m’établir à