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LETTRE
DE M. ÉMILE DESCHAMPS


Versailles, 14 juillet 1857.


Monsieur et très éminent confrère,

Après une atroce maladie de plus d’un an, j’avais charmé ma convalescence avec votre exquise traduction des contes fantastiques de l’Hoffmann américain, œuvre d’une double originalité et d’un double mérite littéraire, puisque vous en êtes le révélateur envers notre ignorance. Et voilà que je dois à votre sympathique et trop aimable souvenir ces Fleurs du mal, dont je pensais déjà tant de bien sur échantillons.

Je viens d’aspirer tous leurs poisons enivrants, tous leurs parfums terribles. Vous seul pouviez faire cette poésie, dont l’explication est dans l’épigraphe d’Agrippa d’Aubigné, pour le fond des choses[1] ; dont le secret, pour la forme savante

  1. La première édition portait pour épigraphe ces vers de d’Aubigné :

    On dit qu’il faut couler les exécrables choses
    Dans le puits de l’oubli et au sépulcre encloses,