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chent de la poésie partout ; et comme, avant vous, d’autres l’avaient cherchée dans des régions tout ouvertes et toutes différentes ; comme on vous avait laissé peu d’espace ; comme les champs terrestres et célestes étaient à peu près tous moissonnés, et que, depuis trente ans et plus, les lyriques, sous toutes les formes, sont à l’œuvre, — venu si tard et le dernier, vous vous êtes dit, — j’imagine : « Eh bien, j’en trouverai encore de la poésie, et j’en trouverai là où nul ne s’était avisé de la cueillir et de l’exprimer. » Et vous avez pris l’enfer, vous vous êtes fait diable. Vous avez voulu arracher leurs secrets aux démons de la nuit. En faisant cela avec subtilité, avec raffinement, avec un talent curieux et un abandon quasi précieux d’expression, en perlant le détail, en pétrarquisant sur l’horrible, vous avez l’air de vous être joué ; vous avez pourtant souffert, vous vous êtes rongé à promener vos ennuis, vos cauchemars, vos tortures morales ; vous avez dû beaucoup souffrir, mon cher enfant. Cette tristesse particulière qui ressort de vos pages et où je reconnais le dernier symptôme d’une génération malade, dont les aînés nous sont très connus, est aussi ce qui vous sera compté.

Vous dites quelque part, en marquant le réveil spirituel qui se fait le matin près les nuits mal passées, que, lorsque l’aube blanche et vermeille, se montrant tout à coup, apparaît en compagnie de l’Idéal rongeur, à ce moment, par une sorte d’expiation vengeresse,

Dans la brute assoupie un ange se réveille !


C’est cet ange que j’invoque en vous et qu’il faut cultiver. Que si vous l’eussiez fait intervenir un peu plus souvent, en