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III

Cette idée, nous l’avons dit déjà par tout ce qui précède c’est le pessimisme le plus achevé. La littérature satanique, qui date d’assez loin déjà, mais qui avait un côté romanesque et faux, n’a produit que des contes pour faire frémir ou des bégayements d’enfançon, en comparaison de ces réalités effrayantes et de ces poésies nettement articulées où l’érudition du mal en toutes choses se mêle à la science des mots et du rhythme. Car pour M. Charles Baudelaire, appeler un art sa savante manière d’écrire en vers ne dirait point assez. C’est presque un artifice. Esprit d’une laborieuse recherche, l’auteur des Fleurs du mal est un retors en littérature, et son talent, qui est incontestable, travaillé, ouvragé, compliqué avec une patience de Chinois, est lui-même une fleur du mal venue dans les serres chaudes d’une Décadence. Par la langue et le faire, M. Baudelaire, qui salue, à la tête de son recueil, M. Théophile Gautier pour son maître, est de cette école qui croit que tout est perdu, et même l’honneur, à la première rime faible, dans la poésie la plus élancée et la plus vigoureuse. C’est un de ces matérialistes raffinés et ambitieux qui ne conçoivent guère qu’une perfection, — la perfection matérielle, et — qui savent parfois la réaliser ; mais par l’inspiration il est bien plus profond que son école, et il est descendu si avant dans la sensation, dont cette école ne sort jamais, qu’il a fini par s’y trouver seul, comme un lion d’originalité. Sensualiste, mais le plus profond des sensualistes, et enragé de n’être que cela, l’auteur des Fleurs du mal va dans la sensation jusqu’à l’extrême limite, jusqu’à