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même ; c’est une pudeur archaïque, asiatique, participant de l’énormité du monde ancien, une véritable fleur de serre, harem ou gynécée. L’œil profane ne la souille pas moins que la bouche ou la main. Contemplation, c’est possession. Candaule a montré à son ami Gygès les beautés secrètes de l’épouse ; donc Candaule est coupable, il mourra. Gygès est désormais le seul époux possible pour une reine si jalouse d’elle-même. Mais Candaule n’a-t-il pas une excuse puissante ? n’est-il pas victime d’un sentiment aussi impérieux que bizarre, victime de l’impossibilité pour l’homme nerveux et artiste de porter, sans confident, le poids d’un immense bonheur ? Certainement, cette interprétation de l’histoire, cette analyse des sentiments qui ont engendré les faits, est bien supérieure à la fable de Platon, qui fait simplement de Gygès un berger, possesseur d’un talisman à l’aide duquel il lui devient facile de séduire l’épouse de son roi.

Ainsi va, dans son allure variée, cette muse bi-