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pas le mètre et la rime, mais la pompe ou l’énergie concise de son langage. Se débarrassant ainsi du tracas ordinaire des réalités présentes, elle poursuit plus librement son rêve de Beauté mais aussi elle risquerait fort, si elle n’était pas si souple et si obéissante, et fille d’un maître qui sait douer de vie tout ce qu’il veut regarder, de n’être pas assez visible et tangible. Enfin, pour laisser de côté la métaphore, la nouvelle du genre poétique gagne immensément en dignité ; elle a un ton plus noble, plus général mais elle est sujette à un grand danger, c’est de perdre beaucoup du côté de la réalité, ou magie de la vraisemblance. Et cependant, qui ne se rappelle le festin du Pharaon, et la danse des esclaves, et le retour de l’armée triomphante dans le Roman de la Momie ? L’imagination du lecteur se sent transportée dans le vrai ; elle respire le vrai ; elle s’enivre d’une seconde réalité créée par la sorcellerie de la Muse. Je n’ai pas choisi l’exemple ; j’ai pris celui qui s’est offert le