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d’ailleurs, chez tous les hommes accoutumés par position à craindre les visiteurs. Pour caractériser cet abord, je me servirais volontiers du mot bonhomie, s’il n’était pas bien trivial ; il ne pourrait servir dans ce cas qu’assaisonné et relevé, selon la recette racinienne, d’un bel adjectif tel que asiatique ou oriental, pour rendre un genre d’humeur tout à la fois simple, digne et moelleuse. Quant à la conversation (chose solennelle qu’une première conversation avec un homme illustre qui vous dépasse encore plus par le talent que par l’âge ! ), elle s’est également bien moulée dans le fond de mon esprit. Quand il me vit un volume de poésies à la main, sa noble figure s’illumina d’un joli sourire ; il tendit le bras avec une sorte d’avidité enfantine ; car c’est chose curieuse combien cet homme, qui sait tout exprimer et qui a plus que tout autre le droit d’être blasé, a la curiosité facile et darde vivement son regard sur le nonmoi. Après avoir rapidement feuilleté le volume, il