Page:Baudelaire - Petits poèmes en prose 1868.djvu/463

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Le temple de Diane à Éphèse était le plus célèbre lieu de dévotion du monde. Callias fut heureux et enorgueilli de se sentir sous la voûte de cette fameuse enceinte, dont l’entrée avait été refusée à des rois, et qui recélait dans ses flancs plus de trésors que plusieurs royaumes. — Les offices de la journée étaient finis. Les portes de bronze du colossal édifice avaient été fermées sur le peuple ; tout était nuit, silence et solitude. Callias put alors se convaincre qu’il était dans un lieu dont la magnificence surpassait encore la renommée. Les feux du grand autel étaient mourants, et la multitude des petits autels, où les victimes avaient été offertes toute la journée, brillaient au loin comme une myriade d’étoiles évanouies. C’était à chaque pas de telles perspectives d’arcs et de colonnades, fouillés par l’habileté patiente du ciseau asiatique, et formés de marbres et de métaux brillant de toutes les couleurs du ciel et de la terre, et que la faible lueur contenue dans le temple rendait encore plus fantastiques ; — une telle profusion de statues d’albâtre et d’ivoire, dont les multitudes, armées vivantes de noblesse et de beauté, peuplaient les immenses espaces ; — une telle abondance de bannières de pourpre brochée d’or, religieuses offrandes du monde entier, suspendues au-dessus des autels, qui eux-mêmes étaient enrichis de pierres précieuses, et dardaient leur éclat sur des tapis brodés venus de Tyr et du fond de l’Inde ; — c’était enfin, une richesse et si désordonnée et si inconcevable, que l’homme le plus froid et le plus blasé du