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esprit en vedette et veillant sur tout le pays. Les matelots se préparèrent pour la nuit, et, pendant que le navire évitait les grosses lames qui signalent le promontoire de Sunium, commencèrent l’office du soir à Pallas-Athêné. Ils éclairèrent le petit autel qui supporte son image à la proue du bâtiment, et brûlèrent en son honneur de la cannelle et de l’encens, qui baignèrent bientôt d’un nuage parfumé les flancs tapissés du navire. Callias songea alors au repas du soir, et descendit dans une élégante cabine pour y ordonner un souper digne d’une trirème impériale. Sempronius se drapa dans son manteau militaire et resta les yeux fixés sur la constellation du Taurus, qui faisait étinceler fièrement sa couronne de topazes ; mais ses pensées étaient égarées bien loin de là. À la vue d’un petit temple situé sur le front sourcilleux du Sunium, le pilote sonna de la trompette, et à ce signal l’équipage entonna l’hymne à la Déesse protectrice de l’Attique :

« Écoute-nous, aimable Minerve ! écoute-nous du fond de la sphère tressée d’étoiles qui entoure et protège comme une zone de feu les trônes dorés de Jupiter et de Junon !

« Pendant que nous fendons les vagues ténébreuses, enchaîne les tempêtes dans leurs cavernes, jusqu’à ce que la torche brûle sur la montagne, signal de notre heureux retour ;

« Jusqu’à ce que la torche brûle sur la montagne, comme la chevelure agitée des nymphes des bois qui jette des clartés mouvantes dans l’air ;