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bord des cieux. Une prêtresse du grand autel d’Éphèse était aussi loin qu’une étoile de l’approche des mortels.

Pendant qu’il s’abandonnait à son imagination et qu’il flottait sur les rêves du poète et de l’amant, — rêves qui, par une loi inexplicable de notre nature, ont toujours une teinte de mélancolie, même dans leurs plus splendides rayonnements, et qui ne sont les plus délicieux des rêves que grâce à cette même mélancolie, — Callias, ayant lu ses lettres, reparut avec un air mêlé de plaisir et de peine.

— Sempronius, dit-il, êtes-vous suffisamment préparé à apprendre que votre chaîne est rompue ?

Le jeune Italien sortit brusquement d’un songe où il était ravi, et où il écoutait la voix de la belle Éphésienne, renvoyée par l’écho des voûtes du temple. Il répondit, avec un triste sourire, que toutes choses lui étaient désormais indifférentes.

— Alors, je puis vous raconter tout ce que je viens d’apprendre, lui dit son ami. — Je suis sûr qu’au moins je n’ajouterai pas à vos chagrins : lisez cette lettre, qui est de votre proche parent Catullus ; elle m’informe que votre cousine est morte. Elle était tombée dans un état de singulière faiblesse, qu’on attribuait à un voyage imprudent dans les bois d’Ostie, où les chaleurs de l’été engendrent des miasmes mortels ; et, dans un des paroxysmes de la fièvre, elle s’est précipitée elle-même dans le Tibre, un soir qu’elle était allée, suivant sa dangereuse habitude, respirer le