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et puis la Chine et l’Inde formaient bientôt avec l’Égypte une triade menaçante, un cauchemar complexe, aux angoisses variées. Bref, le Malais avait évoqué tout l’immense et fabuleux Orient. Les pages suivantes sont trop belles pour que je les abrège :

« J’étais chaque nuit transporté par cet homme au milieu de tableaux asiatiques. Je ne sais si d’autres personnes partagent mes sentiments en ce point ; mais j’ai souvent pensé que, si j’étais forcé de quitter l’Angleterre et de vivre en Chine, parmi les modes, les manières et les décors de la vie chinoise, je deviendrais fou. Les causes de mon horreur sont profondes, et quelques-unes doivent être communes à d’autres hommes. L’Asie méridionale est en général un siège d’images terribles et de redoutables associations d’idées ; seulement comme berceau du genre humain, elle doit exhaler je ne sais quelle vague sensation d’effroi et de respect. Mais il existe d’autres raisons. Aucun homme ne prétendra que les étranges, barbares et capricieuses superstitions de l’Afrique, ou des tribus sauvages de toute autre contrée, puissent l’affecter de la même manière que les vieilles, monumentales, cruelles et compliquées religions de l’Indoustan. L’antiquité des choses de l’Asie, de ses institutions, de ses annales., des modes de sa foi, a pour moi quelque chose de si frappant, la vieillesse de la race et des noms, quelque chose de si dominateur, qu’elle suffit pour annihiler la jeunesse de l’individu. Un jeune Chinois m’apparaît comme un homme antédiluvien renouvelé. Les