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88 CHARLES BAUDELAIUE

de jeu. Les filles, éparpillées à travers ces vastes g-aleries, causent avec des hommes, parmi lesquels je vois des collég-iens. — Je me sens très triste et très intimidé ; je crains qu’on ne voie mes pieds. Je les regarde, je m’aperçois qu’il y en a un qui porte un soulier. — Quelque temps après, je m’aper- çois qu’ils sont chaussés tous deux. — Ce qui me frappe, c’est que les murs de ces vastes g-aleries sont ornés de dessins de toutes sortes, dans des cadres. Tous ne sont pas obscènes. Il y a même des dessins d’architecture et des figures égyptien- nes. Comme je me sens de plus en plus intimidé, et que je n’ose pas aborder une fille, je m’amuse à examiner minutieusement tous les dessins.

Dans une partie reculée d’une de ces galeries, je trouve une série très singulière. — Dans une foule de petits cadres, je vois des dessins, des miniatures, des épreuves photographiques. Cela représente des oiseaux coloriés, avec des plumages très brillants, dont l’œil est vivant. Quelquefois, il n’y a que des moitiés d’oiseaux. — Cela représente quelquefois des images d’êtres bizarres, monstrueux, presque amorphes, comme des aérolithes. — Dans un coin de chaque dessin, il y a une note : La fille une telle, âgée de, a donné le jour à ce fœtus, en

telle année. Et d’autres notes de ce genre.

La réflexion me vient que ce genre de dessins est bien peu fait pour donner des idées d’amour.

Une autre réflexion est celle-ci : Il n’y a vrai- ment dans le monde qu’un seul journal, et c’est /^e Siècle, qui puisse être assez bête pour ouvrir une